#EnquêteEpilation, partie 3 : réactions d’autrui concernant la pilosité féminine

Partie 3 : Réactions d’autrui concernant la pilosité féminine

L’objectif de notre enquête est de connaître l’impact de la norme du glabre sur la vie des femmes au quotidien. Cette partie porte plus précisément sur les réactions que les répondantes ont pu vivre lorsque leur pilosité était visible.

Dans notre rapport (à télécharger ici), nous définissons la « pilophobie » comme étant le rejet de la pilosité féminine. Nous considérons que les réactions négatives subies par les femmes à cause de leur pilosité sont des manifestations de cette pilophobie.

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Les points-clé

  • La majorité des répondantes ont déjà subi des réactions négatives à cause de la pilosité : près des trois quarts (72,3%) en ont rencontré au moins une fois au cours de leur vie, de la part d’un∙e conjoint∙e, d’un∙e ami∙e, d’un∙e membre de la famille ou d’une personne extérieure au cercle proche.
  • Ce phénomène de pilophobie touche plus particulièrement les jeunes femmes. Ainsi 80,4% des moins de 20 ans déclarent avoir rencontré au moins une réaction négative au cours de leur vie, contre 49,4% des plus de 55 ans.
  • Néanmoins, garder sa pilosité peut aussi conduire à des réactions positives, rencontrées par 33% des répondantes. La réaction positive la plus fréquente (vécue par 19% des répondantes) est l’expression, par d’autres femmes, du désir de moins s’épiler ou d’arrêter de s’épiler. Dans les précisions apportées par les répondantes, on constate que dévoiler sa pilosité, quand on est une femme, peut conduire à un changement de comportements d’autres femmes (qui complexent moins et peuvent décider de moins s’épiler).
  • Les femmes jeunes sont aussi celles qui ont rencontré le plus de réactions positives. Ainsi, 42% des femmes âgées de moins de 25 ans ont déclaré avoir vécu au moins une réaction positive au cours de leur vie, contre 19,3% des femmes âgées entre 40 et 55 ans.

#EnquêteEpilation : analyse multivariée de nos résultats

Afin de mieux comprendre la structure de nos données, nous avons mené une analyse multivariée. Plus précisément, nous avons décidé de réaliser une Analyse Factorielle des Données Mixtes (AFDM), qui peut être utilisée sur un jeu de données comportant des données quantitatives (scores, âges, etc.) et des données qualitatives (catégorie socio-professionnelle, région de résidence, etc.). C’est une méthode qui permet de résumer les données et d’identifier des corrélations entre variables.

Cette analyse a permis de montrer que nos données s’organisent autour de plusieurs axes. Trois en particulier nous ont intéressées :

  • La souffrance liée à la norme du glabre, représentée par l’axe 1 de l’AFMD (8,61% de la variance). Les femmes ayant une coordonnée élevée sur cet axe souffrent davantage de la norme du glabre, à différents niveaux. Elles évitent davantage de situations sociales à cause de leur pilosité, sont sujettes à davantage d’effets secondaires et éprouvent une plus grande douleur lors de leurs séances habituelles d’épilation. Elles ressentent également un plus grand panel d’émotions négatives face à leur pilosité. Par ailleurs, elles ont l’impression de passer plus de temps et de dépenser plus d’argent dans l’épilation que la moyenne. Dans une moindre mesure, cet axe 1 est aussi associé au fait d’avoir subi des réactions négatives (moqueries, regards déplacés, propos désobligeants…) de la part d’autrui concernant sa pilosité.

  • Les attitudes vis-à-vis de la pilosité féminines, représentées par l’axe 2 (6,12% de la variance). Les femmes ayant une coordonnée élevée sur cet axe ont davantage tendance à être épilées toute l’année et à trouver leur pilosité très laide ; à l’inverse, celle qui ont une faible coordonnée sur cet axe, ont plus de chances d’avoir arrêté de s’épiler et de ne pas trouver leur pilosité laide. Cet axe 2 est également négativement corrélé avec l’identification au féminisme des répondantes. Les élèves, les étudiantes et les femmes ne connaissant pas leur catégorie socio-professionnelle ont tendance à avoir une coordonnée plutôt faible sur cet axe ; à l’inverse les retraitées, les cadres et professions intellectuelles supérieures, les professions intermédiaires et les employées ont une coordonnée plutôt élevée.

  • Le fait de faire appel à des professionnel·le·s pour l’épilation, représenté par l’axe 4 (3,25% de la variance). Les femmes ayant une coordonnée élevée sur cet axe ont tendance à se faire épiler ou raser dans un plus grand nombre de lieux (chez l’esthéticienne et/ou un·e professionnel·le de santé, plutôt que seulement chez elles). Elles utilisent également un plus grand nombre de méthodes d’épilation. Elles jugent qu’elles dépensent beaucoup d’argent pour l’épilation. Dans une moindre mesure, cet axe 4 est également corrélé au niveau de douleur habituellement ressenti lors des séances d’épilation.

Nous avons également examiné le lien entre la pratique de l’épilation et la façon dont cette pratique est vécue. Les femmes ayant arrêté de s’épiler sont plus jeunes que le reste de l’échantillon et vivent la pratique de l’épilation comme quelque chose de particulièrement pesant, en termes de douleur, de temps passé ou encore d’argent dépensé. C’est tout l’inverse pour les très rares femmes qui ne se sont jamais épilées. Les femmes épilées toute l’année jugent qu’elles consacrent beaucoup de temps et d’argent à l’épilation ; en revanche, elles éprouvent relativement peu de douleur lors de leurs séances habituelles d’épilation et subissent relativement peu d’effets secondaires.

Cette nouvelle approche nous a permis de confirmer certains résultats découverts précédemment (cf. la partie 1 de notre analyse). Ainsi, nous trouvons à nouveau que, globalement, les femmes âgées souffrent moins de la norme du glabre que les femmes plus jeunes, et que les femmes féministes s’épilent moins que les femmes non-féministes. Mais cette analyse a permis de mettre en évidence d’autres phénomènes. En particulier, nous avons pu montrer que la souffrance psycho-sociale due à la norme du glabre est corrélée à la souffrance physique et à la charge mentale. Autrement dit, les femmes mal à l’aise avec leur pilosité sont, en moyenne, celles qui éprouvent la plus grande douleur physique lors de leurs séances habituelles d’épilation, qui subissent le plus grand nombre de réactions négatives de la part d’autrui et qui pensent consacrer le plus de temps et d’argent à l’épilation.

Notre rapport complet est disponible ici.

Remarque : ce rapport peut-être un peu difficile pour les personnes qui ne sont pas familières de ce type d’analyse de données. Si c’est le cas, n’hésitez pas à aller directement à la conclusion

Compléments :

 

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Nom de la variable quantitative  Description 

âge

Âge de la répondante.

feminisme

Score correspondant au degré d’identification au féminisme : Pas du tout féministe = -2, Pas vraiment féministe = – 1, Sans opinion = 0, Plutôt féministe = 1, Tout à fait féministe = 2.

pratique epilation

Score correspondant à l’assiduité avec laquelle la norme du glabre est suivie : Je ne me suis jamais épilée ou rasée = -2 ; Je m’épilais ou me rasais dans le passé mais j’ai arrêté = -1 ; Autre = 0 ; Je m’épile ou je me rase une partie de l’année = 1 ; Je suis rasée et épilée toute l’année = 2.

« Autre » a été assigné à 0 car les répondantes ayant coché cette case ont généralement indiqué s’épiler de manière occasionnelle ou seulement certaines parties de leur corps.

douleur

Score correspondant au degré de douleur ressentie lors des séances habituelles d’épilation ou de rasage, allant de -2 (Pas du tout douloureux) à 2 (Extrêmement douloureux).

laideur

Score correspondant au degré auquel la répondante juge sa pilosité laide, allant de 0 (pas du tout laide) à 2 (très laide).

reaction

Score correspondant à la réponse à la question « En général, comment avez-vous l’impression que les gens réagissent face à votre pilosité ? », allant de -2 (Très négativement) à 2 (Très positivement).

temps

Score correspondant au temps passé à s’épiler ou à se raser (selon l’impression subjective de la répondante) allant de -2 (très peu de temps) à 2 (énormément de temps).

argent

Score correspondant à l’argent dépensé pour s’épiler ou à se raser (selon l’impression subjective de la répondante) allant de -2 (très peu d’argent) à 2 (énormément d’argent).

intensité norme

Réponse à la question « Sur une échelle de 1 à 10 : avec quelle intensité ressentez-vous la norme du glabre (l’injonction à cacher sa pilosité) ? » (1 =   aucune injonction ; 10 = injonction très forte, quasiment impossible d’y échapper)

N méthodes

Nombre de méthodes d’épilation et/ou de rasage cochées à la question « Quelle(s) méthode(s) d’épilation ou de rasage utilisez-vous ? »

N lieu

Nombre de lieux cochés à la question « Où ont lieu vos séances d’épilation ou de rasage ?»

N effets sec

Nombre d’effets secondaires et blessures liées à l’épilation, cochés à la question « Avez-vous déjà subi des effets secondaires de l’épilation, du rasage ou de la décoloration des poils ? Et si oui, lesquels ? »

N soin

Nombre de situations différentes (hospitalisation, consultation classique…) cochées à la question : « Avez-vous déjà eu besoin de soins médicaux à cause d’effets secondaires liés à la pratique de l’épilation et/ou du rasage et/ou de la décoloration des poils ? »

N emotions negs

Nombre d’émotions négatives cochées à la question : « Ressentez-vous des émotions négatives face à votre pilosité laissée au naturel ? Si oui, lesquelles ? »

N malaise

Nombre de situations sociales (au travail, face à des ami·e·s, etc.) cochées à la question « Est-ce que l’idée de dévoiler vos poils à d’autres personnes vous met mal à l’aise ? »

N evitement

Nombre de situations sociales évitées, cochées à la question « Avez-vous déjà évité (ou décalé) certaines situations parce que vous n’aviez pas pu vous raser ou épiler ? »

N reaction compagnon

Nombre de réactions négatives de la part du compagnon ou de la compagne, cochées à la question « Si vous avez déjà gardé et dévoilé votre pilosité à un compagnon/compagne ou ex : avez-vous pu subir des réactions négatives de sa part ? »

N reaction famille

Nombre de réactions négatives de la part de la famille, cochées à la question « Si vous avez déjà gardé et dévoilé votre pilosité à votre famille : avez-vous subi des réactions négatives de leur part ? »

N reaction amies

Nombre de réactions négatives de la part des ami·e·s, cochées à la question « Si vous avez déjà gardé et dévoilé votre pilosité à vos ami·e·s : avez-vous subi des réactions négatives de leur part ? »

N reaction ext

Nombre de réactions négatives de la part de personne ne faisant pas partie de l’entourage proche, cochées à la question « Si vous avez déjà dévoilé votre pilosité à des personnes NE faisant PAS partie de votre entourage proche : avez-vous subi des réactions négatives de leur part ? »

N reaction pos

Nombre de réactions positives, cochées à la question « [Avez-vous reçu] des réactions positives ? (entourage proche, ou non) »

Les données de l’enquête sont disponibles

Nous avons décidé de rendre publique une partie des données de l’enquête. Ces données ont été mises en ligne sur l’application OSF (Open science framework). Elles sont disponibles ici.

Pour des raisons de confidentialité, nous avons décidé de ne publier que les réponses aux questions fermées. Tout ce qui est témoignages et réponses personnalisées n’est pas rendu public. Les questions correspondant aux données conservées sont disponibles ici.

Nous publions ces données sous une licence CC-BY-NC. Cela signifie que vous pouvez librement utiliser, diffuser et modifier ces données à condition :

  • de nous en attribuer la maternité en nous citant (Collectif « Liberté Pilosité Sororité »)
  • de ne pas en faire un usage commercial.
    Concrètement, cela signifie qu’un ou une universitaire ne pourra pas utiliser ces données pour une publication dans une revue scientifique non open-source, ou pour écrire un ouvrage. Néanmoins, nous restons ouvertes sur ces questions et si vous souhaitiez utiliser ces données dans un tel cadre, vous pouvez nous contacter pour qu’on en discute.

#EnquêteEpilation : les premiers résultats de notre grande enquête sur la norme du glabre

Partie 1 : Effets psychologiques et physiques de la norme du glabre

L’automne dernier, nous avons lancé une grande enquête en ligne concernant les effets de la norme du glabre sur la vie quotidienne des femmes. Au final, plus de 6 000 femmes y ont répondu. Nous sommes aujourd’hui fières de vous présenter les premiers résultats, qui portent plus particulièrement sur les thématiques suivantes :

  • Les pratiques de l’épilation, notamment les méthodes utilisées.
  • Les effets physiques de la norme du glabre : la douleur liée à la pratique de l’épilation ou du rasage et les effets secondaires
  • Les effets psychologiques de la norme du glabre
    • les émotions que les femmes ressentent vis-à-vis de leur pilosité
    • la façon dont elles ressentent l’intensité de la norme du glabre

Les autres thématiques (évitement de situations sociales, réactions d’autrui, première fois que les femmes ont retiré leur pilosité, etc.) seront abordées ultérieurement.

Vous pouvez télécharger notre rapport complet détaillant nos résultats. A la fin de cet article, vous trouverez également plusieurs infographies résumant les résultats principaux. EDIT : une petite erreur s’est cachée dans la figure 11 de notre rapport. Vous pouvez télécharger notre erratum ici.

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Les points clés

  • 6 458 femmes ont répondu à notre questionnaire.
    La grande majorité (87%) réside en France. Notre échantillon surreprésente les femmes jeunes (âgées de 20 à 39 ans), féministes, élèves, étudiantes ou appartenant à la classe socio-professionnelle des cadres et professions intellectuelles supérieures.
  • Les féministes refusent davantage la norme du glabre
    Plus une répondante se dit féministe, plus il y a de chance qu’elle ait arrêté de s’épiler ou de se raser ; aussi il est moins probable qu’elle soit épilée ou rasée tout au long de l’année.
    Les femmes féministes sont par ailleurs moins nombreuses à trouver leur pilosité laide.
  • Les blessures et effets secondaires liés à l’épilation ou rasage sont extrêmement fréquents.
    Seulement 2,7% des répondantes ont déclaré n’avoir jamais rencontré d’effets secondaires ou de blessures en retirant leur pilosité.
    Près de 7 femmes sur 10 déclarent avoir rencontré au moins 3 types de blessures ou effets secondaires différents au cours de leur vie.
  • Une grande majorité de femmes n’aiment pas leur pilosité naturelle.
    Environ trois quarts des femmes trouvent que leur pilosité est – au moins un peu – laide.
    Près de 8 femmes sur 10 déclarent que leur pilosité leur inspire au moins une émotion négative. La honte est l’émotion négative la plus fréquemment rencontrée : elle est ressentie par environ la moitié des femmes.
  • Les femmes déclarent généralement qu’il est difficile ou très difficile d’échapper à la norme du glabre
    Sur une échelle allant de 1 à 10, les répondantes devaient évaluer l’intensité de l’injonction au glabre (1 = Nulle,  aucune injonction ; 10 = Très forte : il est quasiment impossible d’échapper à l’injonction). Près de 8 femmes sur 10 ont mis une noté égale ou supérieure à 7.
  • Les femmes jeunes souffrent davantage de la norme du glabre que les femmes plus âgées
    Les femmes jeunes déclarent davantage d’effets secondaires et disent avoir davantage mal lors de leurs séances habituelles de rasage ou d’épilation. Elles sont également plus nombreuses à juger la norme du glabre comme étant tyrannique.